AUDI 200 quattro Goupe A

Article paru dans « ECHAPPEMENT »

le numéro 225 de juillet 1987

AUDI 200 quattro GR.A, Marathon car !

On ne remporte pas le safari Rally impunément ! En réalisant un remarquable doublé dans cette épreuve nécessitant un savant mélange de vélocité et d’endurance, Audi aura tout d’abord marqué le safari de ses anneaux entrelacés puisque, paradoxalement, c’est la toute première fois qu’une quattre roues motrices s’y impose, mais également le championnat du monde 87. Pourtant, cette fort belle 200 quattro n’avait guère de prédisposition à devenir une authentique voiture de course.
C’est un peu contraint et forcé que le constructeur allemand était passé de la Quattro (A2, é l’époque) à la Quattro Sport afin de mieux pouvoir rivaliser avec des groupes B d’une toute autre génération. Malgré cela, chez Audi, on savait la Quattro condamnée à plus ou moins brève échéance … Bien q’ayant révolutionné les épreuves routières en y imposant cette traction intégrale, on savait en fait la firme favorable à des produits encore proches de ceux qui sortent tous les jours de ses usines d’Ingolstadt. Bien qu’un projet de groupe S figurait dans les cartons du bureau d’études, on profita des événements dramatiques de la saison passée pour prendre un peu de recul. Mais avec ce championnat groupe A entériné arbitrairement de la façon que l’on sait, il n’y avait plus guère de raison pour qu’Audi n’effectue pas son retour en compétition après une demi-saison d’absence. Restait à faire le choix d’une monture compétitive… Et c’est là qu’Audi nous réserva une petite surprise en préférant au coupé Quattro qui avait les faveurs des pronostics, l’encombrante berline 200 peu avant le départ du Monte Carlo…

Très sage en fait !

Evidemment, un tel choix ne manqua pas de susciter quelques commentaires. On se souvient qu’à l’époque, la Fisa toute puissante entendait bien limiter la puissance des groupes A à 300 chevaux. Or, pour que Audi porte son choix sur cette (très) lourde et forte volumineuse berline, il fallait beaucoup de puissance en contrepartie ! Combien de vaillants canassons exactement ? 300 pour respecter les vœux du sieur Balestre, 350 comme aux tout débuts de l’ère Quattro en rallye ? Les chiffres les plus fous circulèrent de bouches à oreilles tandis que pour sa part, l’usine persistait à annoncer 230 modestes chevaux faisant sourire pour … 1300 kilos ! Le simple calcul du rapport poids / puissance suffit pour que le Coupé Quattro, bien que pas suralimenté, s’avère plus compétitif : d’un côté 4,80 m de long, 1,80 de large, 1300 kilos pour 230 chevaux peut être mais 1100 kilos au grand maximum !

Six mois plus tard, la belle Audi 200 remporte le Safari et alors que nous la retrouvons pour cet essai au rallye de l’Acropole, Audi Sport n’annonce toujours pas plus de 238 chevaux. Ce n’est donc pas la terreur prétendue lors du début de saison. Au contraire, l’Audi 200 s’avérerait presque comme étant l’une des plus sages groupe A du moment. Elle n’a pas et de loin, le rapport poids / puissance le plus favorable Compte tenu des caractéristiques de son cinq cylindres 2,2 litres, de son système de suralimentation suffisamment sophistiqué, cette puissance paraît même très modeste. De série, une 200 Quattro propose 182 chevaux mais le même moteur dans la toute première Quattro en proposait déjà 200.

C’est donc sur à peine plus de 30 % de puissance supplémentaire que l’on peut tabler … Alors que des groupe N comme la Ford Sierra affichent plus de 260 chevaux, on reste inévitablement sur sa faim! lLa quattro n’est évidement pas le monstre attendu …

Une boîte à six rapports !

En fait, il faut aller au chapitre transmission pour découvrir, à la lecture des caractéristiques, l’aspect le plus spectaculaire de cette belle Audi. Elle dispose d’une boîte à six rapports avec en prime la fameuse commande électro-hydraulique de l’embrayage via un petit bouton sur le levier de vitesses. Voilà tout l’héritage laissé par sa grande sœur du groupe B. En fait, de boîte à six rapports, il convient mieux de parler d’une boîte cinq… plus une. Au Safari, avec un rapport de pont plus long, nul doute qu’une telle sixième aura été bénéfique en autorisant une grande vitesse de pointe tout en soulageant le moteur en lui évitant de mouliner lors des grands bouts droits

Pour l’Acropole, il en est tout autrement et Erwin Kreiner (le big boss…) en compagnie duquel nous faisons le tout du propriétaire n’hésite pas à parle de boîte cinq : « ici, la démultiplication retenue (la plus courte, NDLR) autorise à peine 170km/h en sixième. La première devient alors trop courte et n’est plus utilisée. Les pilotes démarrent en seconde…

Il poursuit en donnant quelques conseils sur cette fameuse commande de l’embrayage sur le levier de vitesses. Elle permet de ne pas se soucier de la pédale lorsque le pilote freine du pied gauche. Il monte et descend ainsi à volonté ses rapports. Mais inutile de vous dire qu’avant de gagner quelques dixièmes de seconde en procédant de la sorte, il faudra avoir assimilé toutes les subtilités du système.

C’est pas évident du tout et pour ma modeste part, je me contenterais… de la classique pédale d’embrayage. Il convient de s’attarder sur cette transmission. On se souvient qu’initialement, une Audi Quattro offre un différentiel interpont et que ce même différentiel était supprimé jusqu’à maintenant sur toutes les extrapolations en compétition. Les choses ont évolué depuis. La 200 Quattro dispose désormais d’un différentiel Torsen qui en agissant comme un autobloquant ajuste en permanence le couple à transmettre en permanence le couple à transmettre sur l’essieu le plus adhérent. Un coupleur visqueux a même été essayé. On retrouve d’ailleurs un tel coupleur pour le différentiel avant alors qu’à l’à l’arrière, les techniciens n’ont que l’embarras du choix avec trois système : classique système ZF à disques, viscocoupleur ou … Torsen. Depuis quelques temps, ce dernier semble avoir la préférence !

Par ailleurs, cette Audi 200 Quattro semble offrir une robustesse à toute épreuve. Sa préparation magnifique paraît aller dans ce sens en tout cas. Pour l’anecdote par exemple, notons que la voiture qui nous a été confiée en Grèce peu avant l’épreuve n’était autre que le mulet de reconnaissance de Hannu Mikkola et avant de servir de voiture d’entraînement à ce dernier, IN-YV-69 (c’est son immatriculation…) n’était autre que la voiture de course de Rohrl au … Safari ! Quatre mille kilomètres de pistes africaines, deux bonnes semaines de chemins défoncés en pays hellénique (après une profonde révision à Ingolstadt, il va de soi !), n’ont pas suffi à entamer la fraîcheur de l’engin. La caisse renforcée de toute part, ressoudée dans ses moindres faiblesses, ne porte aucun stigmate de ce traitement d’enfer. Sa préparation est même aux normes 88 avec par exemple un lourd mais très robuste arceau de sécurité en acier jusqu’à l’échangeur air-air qui est resté de série (il faut peut être y voir l’une des raisons de cette puissance modeste en apparence ?…) comme l’imposera la réglementation la saison prochaine. Faute de puissance, Audi a sans doute préféré jouer la carte de la sécurité et de la fiabilité plutôt que celle de la vélocité… A l’œil, avant même d’en prendre le volant, cette berline allemande semble d’une robustesse incroyable. Suspension, freins transmission, tout paraît avoir été très largement dimensionné comme si Audi Sport faisait du Safari et du Côte d’Ivoire ses deux principaux objectifs cette saison.

Du tweed sur les portes !

Cette fort belle Audi semble véritablement en marge de ce milieu turbulent. Elégante, d’un dessin raffiné et sérieux elle semble faire preuve d’arrogance. Presque mondaine, on s’attend plutôt à voir derrière son volant la caquette d’un chauffeur de maître … qu’un pilot caqué !

Avec ses vitres si fumées qu’elles en deviennent presque opaques, elle conserve la classe des grandes bourgeoises. Et si l’on vous avouait que le tweed initial revêt toujours les panneaux de portes !…

Le grand luxe, enfin presque ! Un sigran habitacle pour un seul pilote et son coéquipier, même lorsque l’on a la taille et les longs membres de Rörhl, on doit se sentir un peu perdu. Jamais une voiture de rallye n’était apparue si vaste dedans comme … dehors. Plus de moquette, toute trace d’insonorisant a disparu. Pas de doute, nous sommes bien en compagnie d’une véritable machine de course. Le tableau de bord n’est plus q’un fouillis…parfaitement ordonné avec pour seules taches de couleur, les différents interrupteurs, les fusibles, les relais, les instruments de navigation (spécial Arne Hertz, dixit E. Kreiner) et les différents manomètres. L’instrumentation est complète avec de part et d’autre du gros compte tours, les thermomètres d’eau et d’huile, les manomètres d’essence, d’huile ou de suralimentation. Un ampèremètre vient compléter le tout ainsi qu’un gros tachymètre. Rejeté de l’instrumentation principale. Toutes ses aiguilles n’attendent que le contact pour s’animer et entamer leur danse.

Pour le moment, on continue à faire connaissance, sans hâte. Rien d’indispensable ne semble manquer ! Alors, on se glisse (sans problème) dans le glorieux baquet de Mikkola dont on vient d’ajuster la position pour que le confort de conduit de votre serviteur soit encore plus parfait, pour que l’osmose avec la machine soit plus totale encore. Quelques coups de clés, de tournevis, suffiront pour que cette position de conduite devienne véritablement idéale. Ce n’est pas la place qui manque ! Le petit volant en cuir, le levier de vitesses, le pédalier, tout tombe à la perfection. On ajuste les dernières sangles du harnais et la porte se referme.

Nous voilà, l’espace de quelques heures à la place de Rohrl ou de Mikkola… Inespéré

Les choses sérieuses débutent !

Une légère rotation de la grosse clé du Coupe circuit et le gros voyant d’alerte inonde de sa couleur orangée l’habitacle tout entier. Encore une (longue) pression sur le bouton poussoir du démarreur et le cinq cylindres finit par tousser avant d’exploser et de se stabiliser à un régime de ralenti assez élevé. In n’a sans doute plus la hargne et la vélocité du 20 soupapes de la Sport Quattro mais il en a conservé cette sonorité rauque si particulière. Marche arrière et la voiture s’ébroue docilement, dans une progressivité totale. Si ce n’est la boîte assez dure à manipuler sur les premiers rapports, toutes les commandes de cette groupe A s’avèrent remarquablement douces. Avec les Michelin « Terre », la direction assistée se manie sans aucun effort. Suivis par un break de techniciens et un petit camion atelier, nous nous faufilons pour quitter Lagonisi, PC du rallye de l’Acropole. Encore quelques kilomètres de la large route asphaltée du bord de mer où nous croiserons Röhrl en train d’effectuer sa centaine de kilomètres quotidiens à vélo et nous nous enfonçons à l’intérieur des terres, vers notre route d’essai en terre.

La première impression est plutôt mitigée. Bien évidemment, il y le bruit, les bruits que dis-je, les vibrations, les résonances, les bouffées de chaleur, les odeurs d’une véritable voiture de compétition mais la sensation de puissance est plutôt décevante. Cette mécanique n’a pas la hargne, la rage d’un moteur de course ou d’une mécanique de tempérament. Audi ne trompe nullement son monde en n’annonçant que 240 chevaux … Elle se contente de tracter avec plus de vigueur que de brio cette lourde machine. Il ne faut pas hésiter à la relancer en jouant du levier de vitesses. Certes, pour ces premiers kilomètres, on y v timidement, avec précaution, on cherche à assimiler les automatismes nécessaires. N’empêche que l’on reste sur sa faim.

Encore quelques kilomètres et cette fois, nous quittions l’asphalte pour la terre. Une route suffisamment large pour que notre élégante berline toute de jaune et blanc (les couleurs HB) vêtue s’y trouve à son aise. Suffisamment empierrée également avec des grandes saignées pour que les suspensions démontrent toute leur capacité d’absorption. Entre les vignes, l’endroit est dégagé mais rapide ! Deuxième pour démarrer comme convenu, troisième, quatrième, cinquième, sixième même un court instant, on se retrouve très vite sur les rapports supérieurs. Toujours la même douceur, toujours la même précision des commandes. Cette groupe A n’est absolument pas physique à piloter. Sur ce terrain glissant, le manque de puissance se fait mains cruellement ressentir. La voiture est lourde mais on l’oublie assez vite. Elle se montre très confortable avec des suspensions remarquables qui semblent capables d’absorber la plus sournoise des saignées, le plus vaste des nids de poule sans déséquilibrer la voiture. Au début, on reste sur la réserve devant de tels accidents de terrain. A la longue, avec l’habitude, on ne s’en soucie même plus ! Alors évidemment, avec la connaissance du terrain qui vient, le rythme s’accélère inévitablement. On exploite plus totalement le moteur et l’on en vient à réclamer plus de puissance.

Les problèmes dus au poids respectable de l’engin ressurgissent. On réfléchit à deux fois avant de lever le pied de l’accélérateur, on recherche des trajectoires plus tendues, on limite les glissades de la voiture si la place l’autorise. Dans ce cas comme dans l’autre, on « retient »quelques précieux dixièmes de seconde.

L’Audi excelle sur ce terrain suffisamment large et rapide. Il y a peu de relances affectées par son manque de puissance et son poids élevé. Son grand empattement lui procure par contre une stabilité vraiment remarquable en grande courbe. Stabilité à grande vitesse, stabilité au freinage (très efficace…), le problème demeure que des terrains de la sorte sont en fait assez rares à l’Acropole… On retrouve le comportement caractéristique d’une traction intégral de cette architecture. Un léger sou virage à la limite de la neutralité tout d’abord qui se transforme en survirage à la sortie de la courbe lors de la ré accélération uniquement. Très grisant tout cela mais pour parvenir à cet équilibre dans le comportement de l’engin, il faut une parfaite coordination des gestes. Une quatre roues motrices ne pardonne guère l’indécision, l’hésitation et le problème du novice demeure que l’on ne parvient pas à ses fins à tous les coups ! Dès lors l’Audi pourra se montrer aussi souvireuse que survireuse… Reste les passages lents où notre berline manque évidemment de mobilité. De larges appels et contre-appels auront raison de sa tendance souvireuse plus marquée.

Cette lourde Audi n’a pas la maniabilité d’une Lancia ou d’une Mazda, sa mécanique n’a ni la hargne ni la puissance de celle d’une Ford Sierra Cosworth. Lourde et limitée en puissance, elle puise ses ressources dans d’autres traits de caractère. Dans la fiabilité, sa robustesse et la qualité de ses suspensions principalement ce qui la rend particulièrement à l’aise et redoutable dans les rallyes rudes. Après tout, son triomphe au dernier Safari a démontré de telles capacités de la plus belle façon qu’il soit !…

B.A.

Caractéristiques

Moteur

Type/Emplacement : 5 cylindres en ligne- Porte à faux l’AV incliné de 27° 30’ à droite.

Alésage X Course : 79,5 x 86,4 mm. Cylindrée : 2 144 cm3 (x1.4=3 002 cm3).

Cylindrée unitaire : 428,8 cm 3. Rapport volumétrique : 7,5.

Régime maximum : 7000 t / mn. Puissance spécifique : 111 ch au litre. Couple maximum : 33,65 mkg à 4000 t / mn. Couple spécifique : 15,7 mkg.

Vitesse moyenne de piston : 20,15 m / s à 7000 t / mn. Distribution : 1 arbre à cames en tête entraîné par courroie crantée, deux soupapes par cylindre. Vilebrequin : 6 paliers. Matière du bloc : Fonte. Matière de la culasse : Alliage léger. Refroidissement : Liquide. Lubrification : Humide avec radiateur d’huile. Alimentation : Injection mécanique Bosch KA Jetronic – Turbo compresseur KKK avec échangeur air – air spécifique – Pression de suralimentation : 1 bar. Allumage : Electronique intégral. Equipement électrique : Alternateur 1300 W.

Transmission

Mode : Roues AV et AR avec différentiel interpont Torsen ou coupleur viscodrive. Nb de rapports : 6 synchronisés et marche arrière.

Rapport Km / h / 1 000 t/ mn Km / h à 7 000 t / mn

1 : 3,500 6,067 42,472

2 : 2,273 9,342 65,394

3 : 1,706 12,447 87,129

4 : 1,318 16,112 112,784

5 : 1,040 20,419 142,933

6 : 0,889 23,887 167,209

Rapport de pont : 5,857. Autobloquant : AV : Viscocoupleur. AR : ZF à disques ou viscocoupleur.

Châssis

Structure et matériaux : Coque autoporteuse en acier ressoudée et renforcée. Type : Berline 4 portes. Suspension avant : Pseudo McPherson avec bras inférieurs triangulés – Barre stabilisatrice – Articulations rigides et hauteur de caisse ajustable. Amortisseurs à gaz bi-tube Boge. Suspension arrière : Roues indépendantes avec triangles inférieurs et bras supérieurs. Barre stabilisatrice – Articulations rigides et hauteur de caisse ajustable. Ressorts hélicoïdaux et amortisseurs coaxiaux bi – tube Boge. Freinage : Disques ventilés (D : 330 mm – E : 32 mn) / Disques ventilés (D : 280 mn – E : 25,4 mm) – Etriers à 4 pistons AV et AR. Répartition ajustable. Direction : Crémaillère directe assistée. Jantes : 180 mm x 16’’. Pneumatiques : Michelin 16 / 66 x 16 (Terre). Michelin 23/ 62 x 16 (Asphalte).

Dimensions, poids, capacités

Longueur : 480,7 cm. Largeur : 181,4 cm. Hauteur : 142,2 cm. Empattement : 268,5 cm. Voies AV : 146,8 cm. Voies AR : 149 cm. Poids annoncé à vide : 1 250 kg. Rapport poids / puissance : 5,25 kg / ch. Capacité essence : 80 litres. Capacité d’huile : 5 litres. Capacité refroidissement : 10 litres.

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