Essen 2009 – Pikes Peak

HI030004Introduction :

Essen 2009 fut un tellement bon cru que vos dévoués, Patrick, Jean-Pierre et moi-même, vous préparons plusieurs articles.
En effet tout dire sur un seul est impossible tant il y avait de choses à découvrir et admirer.

Pour cette édition, Audi ne pouvait passer à côté de la célébration de ses 100 ans. Audi fit donc des choix judicieux quant à sa présentation. La « toute première Audi », celle par laquelle tout a commencé, était bien entendu exposée. Elle était la reine des lieux.

018_16aAudi ayant pour devise l’avance par la technologie, elle faisait, pour le reste de sa collection, la part belle au domaine sportif dans lequel elle excelle. Le choix a dû certainement être cornélien vu le nombre de disciplines dans lesquelles notre firme préférée fut couronnée.

Audi a donc choisit pour ses 100 ans de révéler deux succès retentissants dans sa carrière sportive, à savoir Le Mans et Pikes Peak.
Audi nous ressortait donc les plats de Essen 2003 (Hé oui, Audi Héritage n’est pas dupe!) en exposant, de la même manière, sa terrible Audi R8 (mais version 2006) et la S1 de Pikes Peak.

Concernant cette dernière, il n’est besoin de faire un dessin car tout le monde se met en tête la fabuleuse et unique S1 blanche barrée de lignes rouges et noires… et pourtant !

La plupart des gens, même au sein de notre club certainement, s’imagine qu’il n’y eut qu’elle… et tous croyons à l’évidence de sa victoire, tant nous pensons que cette bête était prévue pour cette épreuve… mais détrompons-nous, nous avons tout faux !!!

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Petit historique :

Ce n’est pas « une » Audi qui participa à la montée de Pikes Peak mais bien « 6 » et toutes furent victorieuses… Oui, vous lisez bien, mais comment se fait-il que tout cela soit passé sous silence ???

L’histoire débute en 1982. Audi est alors champion du monde des constructeurs en rallyes. Ce succès est retentissant de par le monde… sauf aux USA !
Cet immense pays  se désintéresse totalement du monde du rallye occidental. Aux States, ce sont les 500 miles d’Indianapolis et la montée de Pikes Peak qui font la pluie et le beau temps en matière de retombée médiatique dans le secteur du sport automobile.

Qu’à cela ne tienne donc, Audi, forte d’avoir inventé la « quattro », décide de se lancer dans l’aventure.

Elle engage alors une Ur quattro gpe 4 aux couleurs d’Audi Sport. Concernant son choix de conducteur, Audi sort de son panel de pilotes d’usine allemands et se retourne sur son écurie américaine en engageant  John Buffum. Il est alors le pilote qui a remporté le plus de rallyes nationaux dans l’histoire du rallye, et il est le meilleur pilote de rallye américain. Il a gagné environ 115 rallyes nationaux. En 1981, avec la quattro, il était devenu invincible dans le championnat de rallye américain.
La recette marchera donc et, d’emblée,  pour cette première tentative, la quattro remporte sa classe (= Open Rally).
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Ce succès ne sera pas retentissant car le chauvinisme des USA est tel que toute écurie européenne est quelque peu laissée pour compte. En outre, c’est le vainqueur « au général » qui ressort vraiment grandi de cette épreuve et ce privilège revient systématiquement aux « Open Wheel » (= monoplaces), bien plus puissantes.

Battre les américains sur leur territoire est donc un vrai challenge !

En 1983, Audi renouvelle l’aventure et perdure avec Buffum. L’auto est améliorée  puisqu’il s’agit cette fois d’une quattro Gpe B type A1 (aux couleurs d’Audi Sport) mais elle reste en deçà du potentiel de l’époque puisque la type A2 donne à Mikkola le titre mondial.

Buffum n’est manifestement pas dans une grande forme car il fait 7 secondes moins bien que l’an dernier. Néanmoins, ce résultat lui permet tout de même de remporter sa classe.
Les retombées médiatiques en seront donc toujours aussi timides.

Pour l’édition 1984, je crois qu’Audi a compris la leçon et décide de mettre le braquet supérieur. La firme engage alors la femme la plus rapide du monde : j’ai nommé Michèle Mouton, et lui donne pour volant une belle quattro Sport à livrée blanche à lignes noires, grises et rouge inclinées vers l’arrière. L’ensemble devient donc plus excitant.
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« La » vice championne du monde réalise une excellente montée en battant les temps des deux années précédentes. Elle remporte donc sa classe et se hisse à la seconde place au général. C’est un exploit et Michèle Mouton quoique ravie, n’est cependant pas totalement satisfaite car elle sentait la victoire toute proche. Elle est décidément aussi insatiable que la firme qui l’emploie, et c’est là la recette !

Il semble donc que cette fois Audi tienne le bon bout et pour l’édition 1985, le contrat de Michèle Mouton est renouvelé. Sa monture sera de nouveau une quattro Sport (aux couleurs HB) mais un peu plus affûtée pour l’occasion.
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Là, notre idole à tous, fait fort, très fort… et l’Audi remporte le général de cette course et ce, à plate couture. Michèle Mouton bat ainsi tous les records et relègue le second à presqu’une minute et termine avec 45 secondes de moins que l’année précédente.

L’exploit est évident et pourtant une nouvelle fois, les américains se font taiseux !
En réalité, les cowboys machistes et chauvins supportent mal que leur course fétiche soit remportée par une voiture européenne et, de surcroit, avec une femme au volant.
Les Américains sentaient d’ailleurs le souffle du boulet et ils avaient, pour l’occasion, tout fait pour déstabiliser l’écurie Audi. L’écurie fut empêchée de chauffer les pneus de la quattro et n’ont permis à Michèle Mouton de monter dans son auto qu’au dernier moment avant sa montée. Ils espéraient là une déconcentration de la belle Grassoise mais rien n’y fit, pour notre bonheur.
N’empêche, pour Audi, l’événement, s’il était retentissant en Europe, ne l’était encore que trop peu aux USA.
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C’est ainsi que pour sa cinquième tentative, à l’occasion de l’édition de 1986, Audi se résigne à donner le volant à une star locale, à savoir Bobby Hunser (8 fois vainqueur de cette épreuve et 3 fois des 500 miles).

La monture fut également renouvelée. A cette époque, Audi a déjà mis au point, pour le championnat mondial des rallyes, la terrible S1. On sait que l’aventure tourna court puisque Audi se retira des rallyes au début de la saison. Ayant ainsi tous ses véhicules à disposition, il n’était donc pas étonnant de retrouver ce monstre au pied de la montagne américaine. La S1 était alors de livrée blanche avec une ligne de ceinture.
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Ce nouveau mariage fut formidable et Hunser battit Michèle Mouton de 16 secondes. Bien que pour ma part cet écart soit faible au regard de la différence de monture, le succès fut enfin retentissant sur le sol américain.

Audi gagnait donc comme il l’entendait mais, étrangement, la firme ne s’en satisfaisait pas encore… Audi attendait une victoire avec encore plus d’éclat !

Notre chère firme remet donc son titre en jeu en 1987. Leur victoire antérieure étant désormais crédibilisée aux yeux des Américains, Audi choisit à nouveau parmi ses pilotes fétiches et le droit en revient au célèbre Walter Röhrl.

La S1 fut spécialement étudiée pour l’occasion et bardée de monstrueux ailerons, elle se nomma spécifiquement la « S1 Pikes Peak »,… celle dont tout le monde se souvient et qui fit oublier toutes les précédentes.

La montée de la « S1 Pikes Peak » :

100_30943Quelque part dans le Colorado, il est 20 km de piste en latérite rouge. Elle serpente le long d’un des plus hauts monts des célèbres Rocky Moutains. Une fois l’an, c’est dans cette contrée hostile que se déroule une course dans les nuages faite de 156 virages, et donc unique au monde.

Partant de l’altitude 2865 m, la course culmine, en son arrivée, à 4301 m. À cette altitude, l’homme et sa machine sont forts sollicités.

Pour l’édition 1987, Audi veut imposer sa loi. Elle engage sa « S1 » développant près de 600 CV et dépêche donc le grand Walter Röhrl pour tirer parti du potentiel de cette fabuleuse auto.

Imposer sa loi ne se fera pas sans sel car Peugeot forte d’un titre de champion du monde des rallyes veut aussi s’imposer en ces lieux. La firme française met pour cela les petits plats dans les grands en engageant pas moins de trois autos (205 T16) et trois pilotes talentueux : Ari Vatanen (champion du monde 1981), Shekhar Mehta (5 fois victorieux au Rallye Safari) et Andrea Zanussi (pilote Italien de talent et officiel chez Peugeot à l’époque)

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La suite de l’histoire nous la connaissons puisque Röhrl fit une montée d’anthologie et mit tout le monde d’accord en pulvérisant le record de 22 secondes et en remportant la montée avec 7 secondes d’avance sur la première Peugeot.

100-pp01100-pp02J’ai retrouvé une revue relatant l’événement. Il s’agit de l’Auto Hebdo 582 de juillet 87 et je la recommande à tous. Dans ce trésor, on découvre un reportage de M. Lizin (journaliste sportif belge bien connut pour aussi avoir été le mari d’Anne-Marie, l’ex Bourgmestre de Huy et sénateur).
M Lizin avait pour l’occasion l’honneur d’accompagner à la fois Walter Röhrl et Ari Vatanen dans leur montée d’entraînement. Il pouvait donc à loisir comparer les deux genres de pilotage et de voiture.

100_3466En résumé, la différence fondamentale émane dans la façon d’aborder le virage. Vatanen avec la Peugeot à moteur central attaquait large puis bondissait tardivement dans la corde en brusquant l’auto. L’arrière passait presque devant et la sortie du virage consistait à contrebraquer pour la remettre en ligne droite.
Walter faisait exactement le contraire. Il abordait la corde beaucoup plus tôt tout en ayant soin de mettre l’Audi en travers. Partant du survirage, il accélérait très tôt pour imposer le sous-virage naturel de la quattro. La seconde phase compensant la première, c’est tout en dérive et tout en finesse, en dosant l’accélérateur, que Röhrl tirait le nez de l’auto en sortie de virage. Sa vitesse en était donc accrue.

Au terme de la course, Röhrl bien connut pour ses commentaires explosifs avoua calmement que, sans commettre d’erreur, il aurait amélioré son temps de 25 secondes (sic).
Sacré Walter !

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Résumé du palmarès :
Buffum   1982     Ur quattro Gpe 4    victoire de classe :     12min 20sec et 52 centièmes
Buffum   1983    Ur quattro typ A1    victoire de classe :     12min 27sec et 91 centièmes
Mouton  1984    quattro sport             victoire de classe:      12min 10sec et 38 centièmes
Mouton 1985    quattro sport              victoire au général:   11min 25sec et 39 centièmes
Hunser  1986    S1                                victoire au général:   11min 09sec et 22 centièmes
Rohrl     1987    S1                                victoire au général:    10min 47sec et 85 centièmes

La S1 Pikes Peak dans le détail :

La Pikes Peak fait partie de mes rêves et sans doute des vôtres. Je l’avais découverte, comme écrit plus haut, pour la première fois en 2003 à Essen. Elle m’impressionnait tant son charisme est démonstratif.

Je la revis plus tard en 2005, à Ingolstadt même, lors de la fête des 25 ans de la quattro. Pour l’occasion, Walter Röhrl retrouvait sa monture et nous fit démonstration. Dans un parking devenu circuit de fortune, Walter mettait encore, dans des virages appuyés, l’auto sur trois roues. La S1 si rigide semblait encore plus bestiale et inatteignable.

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pict0264pict0263La Pikes Peak en 2005 :

Pour cet Essen 2009, cette fameuse Pikes Peak était subitement accessible et palpable. Audi a en effet eu le bon goût de nous la disposer proche du public … et je ne m’en suis pas privé.

Découvrez-la avec moi…

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Elle est décidément l’extrapolation « jusqu’au boutiste » de la Ur quattro. Tout y est tendu et exagéré. Les ailerons proéminents encadrent la belle comme pour bien la « camper ». L’auto parait ainsi relativement « fermée » et pourtant elle est trouée de partout pour faire respirer chaque poumon décimé sous la carrosserie. Elle semble en effet avoir besoin d’air ; C’est à ce point que toute ouverture possible est privilégiée au sacrifice de certaines pièces. C’est ainsi que le feu rouge est réduit à sa plus simple expression pour encore faire passer de l’air.
Même son échappement à besoin d’air et prend des raccourcis pour sortir par-dessous la portière passager.

Pour le refroidissement précisément, les radiateurs sont reportés à l’arrière. C’est ainsi que l’arrière est fort ventilé mais c’est aussi pourquoi une série de grosses tuyauteries traverse l’habitacle. Il devait faire chaud dans l’habitacle. Ces tuyaux ont d’ailleurs brûlé les mollets du notre journaliste d’antan qui pour l’occasion avait reçu un siège passager.

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D’autre gros tuyaux traversent l’habitacle. Il s’agit des conduites d’huile car le réservoir du carter sec se trouve dans l’aile arrière droite.

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Besoin d’air disais-je ! Regardez plutôt le rétroviseur ! Même lui a été pensé pour apporter de l’oxygène au pilote.

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La S1 est une prouesse de soufflerie. Malgré ses airs de « pavé », elle fut étudiée aérodynamiquement pour arriver à pouvoir coller à la route faite de gravier glissant.

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Les ailerons plats sont donc prolixes. ___________________________

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Par contre, les parties latérales sont plus fluides. Le rétro en est un exemple mais aussi les poignées de porte qui semblent absentes. Elles se résument par un simple loquet intégré dans le flanc de porte.

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Restant dans le sujet de l’« aéro », le dessous de la voiture est parfaitement plat. Sur la photo vous découvrirez qu’il a gardé les traces de large frottement.

Ceci dit, il est bon de souligner que cette auto n’est pas, depuis 1987, devenue une auto campant dans des musées pour invalides, loin de là. Elle arpente certes fièrement l’exposition d’Ingolstadt mais dès qu’elle le peut, elle hume encore à vive allure le bitume et la terre. En guise de témoignage, voyez la photo prise lors d’un rallye historique 2008, en plein « jump » !

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Avouez que c’est saisissant !

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L’auto était étrangement munie d’un frein à main. On sait que vu le système quattro et les ponts autobloquants, il ne devait pas souvent servir. Vu sa position peu ergonomique, il ne devait en effet que très rarement servir !

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Le tableau de bord est des plus dépouillés. Il n’y a même pas de compteur de vitesse. Il y a deux seuls manomètres : un pour le compte-tour et un pour la pression de turbo.

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Le pédalier est presque d’origine. Seul le support de la pédale d’accélération est largement modifiée pour un débattement plus court et la pédale de frein élargie pour sans doute faciliter le « talon pointe ». La tringlerie de boîte est elle très spécifique.

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L’auto est enfin campée sur des jantes en 9,75 pouces par 16 équipées de pneus 26/64/16.

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Côté moteur, la différence avec ceux des groupes B se marque surtout par l’absence de la grande manche à air. En effet, la S1 adopte une boîte à air frontale. Ceci est permis grâce à une calandre et un pare-chocs permettant l’implantation d’un plus grand intercooler.

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La boîte à air est subtilement accessible en pivotant vers l’avant la garniture du phare droit. Il suffit de lever le capot d’enlever deux vis et la garniture pivote via deux charnières.

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Une grosse différence est la taille et l’emplacement du turbo. Semblant énorme, il est ici disposé en haut du flanc droit.

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Sous le capot, la wastegate (soupape de décharge) est proéminente. Elle est d’ailleurs accessible même capot fermé.

Sous le capot, je suis impressionné par le chapelet de tuyauterie fine conduisant l’huile dans les parties essentielles…

Je suis impressionné surtout de retrouver le châssis de nos Ur quattro sous cette robe agressive. Certes ce châssis est largement amélioré mais il ne faut pas oublier que cette bête de course émanait en définitive d’un modèle standard. C’est une chose impensable de nos jours…

100_3168Le numéro de châssis est cependant déporté sur la droite. Il s’agit ici de la WAUZZZ85ZGA905020.

Je suis également très étonné de retrouver sur le bloc moteur des similitudes évidentes avec nos vieux 10valve.

L’admission est de toute beauté. Fait main, le collecteur en aluminium est savamment réalisé pour à la fois distribuer l’air à chacun des cinq cylindres et faire place à la rampe d’injection.

Je crois qu’en réalité la fonctionnalité est poussée à telle extrême que la beauté est forcément un des aboutissements.

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« A fonctionnalité parfaite correspond fatalement une forme parfaite. »

Sources :

–    Revue Sport Auto 283 de août 1985
–    Revue Echapement 202 de août 1985
–    Revue Auto Hebdo 582 de juillet 1987

Jacques, Président du club Audi Héritage.
Rédigé le 08/04/2009

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