Histoire d’un genre que les 4 anneaux se sont donnés autrefois…

back_to_future1Die Neue Frau

Imaginez que nous prenons tous la machine à voyager dans le temps, celle de HG Wells par exemple, ou la De Lorean de « Back to the Future » (si vous préférez rester dans le domaine des 4 roues) et que nous programmions la date du 18 mai 1926 sur le cadran. En quelques minutes, dans un bruit ahurissant, nous voilà transportés à Berlin, le jour de la création du DDAC, le Deutsche Damen Automobile Club.
ddacbadenbaden01Ce n’est pas rien tout de même. Nous sommes encore loin de la deuxième guerre mondiale, et l’automobile en n’est qu’à ses débuts. Un groupe de 7 femmes aristocratiques, marginales et modernes, visionnaires somme toute ,se réunissent à l’initiative de la Baronne Lucy von Linsingen pour promouvoir au sein du sport automobile et dans un monde d’hommes, la femme et son statut de conductrice. Une révolution, qui ne sera pourtant pas ignorée par les constructeurs qui avaient déjà compris, comme en témoignent de nombreuses photos et archives de l’époque, que la femme était une cible toute trouvée au sein des classes sociales supérieures pour promouvoir l’automobile. Plus de droits, plus de liberté pour les femmes, des revendications qui allaient bon train dans des villes luxueuses, riches et à la mode comme Baden-Baden, Wiesbaden,…

frauddac2audi-aaf15a34audi_history_wanderer_w24-saudi_history_dkw_front_meisterklasse-sdkw-aaf3dkw-aaf4dkw-aaf5Pensez que de véritables expéditions de plus de 750 km étaient organisées par ce club pour ces femmes pilotes en tailleur Channel qui n’hésitaient pas à partir découvrir le monde au volant de leurs luxueux engins vers Rome, aller-retour, ….ou vers Prague, en 1926, lors de leur premier grand voyage.
Oui, une femme derrière le volant à cette époque, cela vous étonne ? Au début des années 20, après la triste première guerre mondiale, il y avait un manque évident d’hommes pour conduire. Les femmes prendront volontairement le volant et deviendront ainsi un groupe cible pour les fabricants de véhicules. Je vous écris ces quelques lignes en fredonnant la chanson de Boris Vian interprétée par Henri Salvatore, qui décrit si bien la demoiselle première taxiwomen de Paris, cheveux courts, yeux bleus, nous sommes en 1925…Nostalgie d’une époque que nous n’avons pas connue, snif !

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En 1929, le club comptera déjà 100 membres féminins. Ce sera la première vague d’émancipation de la femme et non la dernière de ce siècle passé. Auto-Union ira même jusqu’à mettre en route un magazine appelé « Sonderhelft für die Dame ». A partir de 1934, l’édition sera rebaptisée « Die neue Frau ». Un périodique de l’époque en quelque sorte, avec de nombreux conseils en cas de panne sur la route, et toujours ce renforcement de l’esprit de cohésion et de solidarité entre femmes.
dkw-aaf14dkw-aaf10pub-wanderer2Quelques clichés publicitaires sympathiques, comme chez DKW et Wanderer, illustrent à merveille cette émancipation féminine qui continue à faire son petit bout de chemin jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, au sein des classes privilégiées. Et il ne s’agit pas seulement de conduire, mais aussi de pouvoir changer une roue, de comprendre le fonctionnement d’un moteur pour remédier à une panne toute simple, ajouter un peu d’eau, faire le plein,… comme en témoignent ces superbes photos de la F 9 chez DKW. Nous sommes en 1939.

A partir de cette même année d’ailleurs, les femmes vont jouer à nouveau un rôle important dans le monde automobile, chez Auto-Union, NSU, …, mais cette fois comme travailleur dans les usines du groupe. A cause de l’incorporation militaire répétée des hommes, en préparation de la guerre, on recrute du personnel féminin en masse pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre. Les usines seront dans l’obligation de mettre leurs beaux projets automobiles au placard et de réorganiser leur production vers du matériel militaire.

autounionfrauenfrau1pub-wandererrallyeddacCe n’est que 10 ans plus tard que l’industrie automobile reprendra la route du succès et de la prospérité, avec la sortie des tiroirs des projets d’avant-guerre. Mais çà, c’est une autre histoire, pour la prochaine fois. A suivre donc…

Après la guerre, le club DDAC déménagera vers Hanovre. Des coupures de presse bien sympathiques de l’époque reflètent bien l’ambiance des années d’or, qui nous donneraient envie de croire que la théorie de la relativité d’Einstein et de Poincarré peut être mise en pratique pour retourner au siècle dernier.

f5_folderdkw-aaf19En 1953 sera organisé le Deutsche Damen Rallye au départ du Nürburgring. Un événement et des concurrentes très, très charmantes ! Ces rallyes à l’esprit de compétition perdurent, toutes marques confondues, avec des parcours d’orientation, mais aussi un programme culturel, orienté nature. Nous n’avons rien inventé! Car ce club exclusif qui existe toujours près d’un siècle plus tard via plus de 10 sièges régionaux regroupe quelque 330 femmes très engagées, âgées de 29 à 91 ans, qui poursuivent les buts d’autrefois à la sauce d’aujourd’hui, à savoir du plaisir au volant, donner la possibilité aux femmes de s’épanouir et de développer leur personnalité dans des domaines plus masculins, mais aussi de s’engager dans des secteurs comme la promotion d’assurances spéciales pour les femmes, plus de sécurité routière, des places de parking réservées aux femmes,…

J’en vois certains qui affichent déjà un sourire…, mais je ne peux qu’imaginer plus de 100 femmes, toutes dans leur uniforme bleu et blanc (car la tradition est respectée) et 50 véhicules arrivant à l’hôtel étape d’un rallye d’orientation… Du spectacle à coup sûr pour tout le monde.

ddacheute1Non Messieurs, ces dames ne vous mettent pas de côté. Vous êtes les bienvenus en tant que spectateurs, pour venir les encourager et les applaudir. Car la voiture aujourd’hui n’est pas seulement à leurs yeux un moyen bien pratique pour aller rechercher les enfants à l’école, mais aussi un objet de plaisir. « Bravo Mesdames ! »

Patrick

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