Il y en a qui apprécient les conditions rustiques pour se ressourcer sur les routes de Saint-Jacques de Compostelle, mais ils oublient que la vraie félicité ne se trouve que quand on a réellement fait face à l’adversité dans des conditions maussades et non sur les chemins ensoleillées de France et de Navarre. Nos reporters du jour vous l’assurent, ils ont trouvé la voie grâce à Etienne Robens, qui nous a concocté un de ces périples à travers brouillards et frimas jusqu’à la révélation finale, une expérience d’où on ne ressort plus tout-à-fait pareil. En effet, la discrétion d’Etienne n’a d’égale que sa passion, et cela valait largement une mise sous le feu de nos projecteurs.
L’entrée en matière est d’ailleurs plutôt sobre : a priori, sa maison à un jet de pierre des jardins d’Annevoie trahit plus une passion pour l’océan et la côte atlantique que pour les quatre anneaux, souvenir d’une ascendance à la fois bien ancrée en bord de Meuse, mais aussi en Charente Maritime par l’entremise de sa grand-mère. Il y a juste un nounours Audi pour vous souhaiter la bienvenue, ainsi que l’autre occupant des lieux, comment s’appelle-t-il encore… Pattex, c’est bien ça ? Euh non, Karamel, qui s’y entend pour capter votre attention et ne plus vous lâcher par la suite, il faut dire que sa bonne bouille et sa bonne humeur aident beaucoup.
C’est à la cave, aménagée en bureau, que les choses sérieuses commencent : chaque centimètre carré est rentabilisé, et dès le bas de l’escalier, le regard est attiré par une magnifique vitrine de miniatures.
Juste à-côté, on découvre un espace de rangement pour les dioramas que nous avons l’occasion d’admirer à Ciney ou ailleurs, ainsi qu’une partie de l’envers du décor : comment on modifie une caisse de berline en coupé, et les gabarits qui permettent la fabrication de pièces pour reproduire exactement les modèles de la réalité.
Plus surprenant, on trouve juste au-dessus du PC une étagère consacrée à Astérix et ses compagnons de bande dessinée.
On vous l’a dit, les centres d’intérêt d’Etienne sont très variés : ça étonne parfois les djônes d’une concentration tuning qu’il enchaîne ensuite avec une exposition de cartes postales, vu qu’il n’y a pas moyen de gagner 10 chevaux sur une vue de la Meuse, mais pour résumer tout cela, Etienne dit que les gens le prennent pour un fou, ce qu’il confirme.
Il est grand temps d’entamer notre périple si nous voulons profiter d’une maigre clarté. Devant la porte, la voiture de tous les jours nous attend : une 100 C4 2.5 tdi, sur laquelle les 330.000 km ne semblent pas avoir de prise. Ses feux US, clignotants blancs, jantes de S2 et volant de S4 lui donnent son petit air sympa, et nous nous mettons sans plus tarder en route. Les reportages en soirée ne facilitent pas la vie de notre photographe, c’est pourquoi nous avions choisi le tournage de jour pour cette fois et c’est raté : au menu brumes et ciel menaçant. Il en faut plus pour nous décourager, et nous prenons la route vers la première étape de notre voyage initiatique. A défaut de substances illicites, l’atmosphère de recueillement ne tarde pas à nous propulser dans un état second d’où émerge soudain une vision : nous laissons la priorité à une NSU TT blanche qui file sur la route que nous abordons. Rêve ou réalité ? Il faut quelques secondes à notre photographe pour réaliser ce qui se passe et commencer à mitrailler l’apparition pour bien se persuader qu’elle est réelle. La phase mystique se poursuit en arrivant à notre première station.
Le Père Noël existe, il sème des Audi sous les sapins. Nous l’avons vu de nos yeux, il y a des type 44, une 80 quattro et une Ur-quattro première main de 27.000 kilomètres.
Pour ceux qui ont survécu à la phrase précédente, précisons que sa carrière prit un terme prématuré en 1983 et qu’elle ira beaucoup moins bien maintenant, mais elle peut encore faire don de ses organes. La cabane de jardin est pleine de pièces diverses en attente d’un lieu stockage plus adéquat, on se dit que le malheureux qui doit tondre n’a pas un accès facile au tracteur.


Et puis vous ne savez peut-être pas qu’Etienne officie en tant que magasinier chez un concessionnaire VW-Audi renommé de la région namuroise, il est donc particulièrement bien placé pour s’approvisionner de ce qui est encore de stock avant que cela ne disparaisse tout-à-fait, mais pour cela, il faut de la place. On compte trois Audi en ces lieux : une 80 quattro qui attend une remise en état, un Coupé type 89 et un Coupé GT type 85 qui dort sous la poussière. Celui-ci ne fait pas partie de la collection d’Etienne mais appartient à l’ancien agent VW, aujourd’hui fort âgé. Le coupé a l’air en pleine forme, mais la couche de poussière laisse supposer qu’il n’est plus sorti depuis longtemps. Il reste encore un peu de place pour l’arrivée imminente d’une S4 de 1992, 130.000 km et premier propriétaire, qui doit encore subir une réparation du flanc et recevoir des jantes démontables 19’’ ABT, des combinés filetés ainsi qu’une ligne inox.

Contact, et musique, les mots sont superflus ! Cette magnifique réalisation ne peut malheureusement pas rouler sur route ouverte. En effet, sachant qu’il faut repeindre en noir les ressorts de suspension qui seraient rouges d’origine pour ne pas avoir d’ennuis, on imagine la tête de nos contrôleurs techniques en voyant arriver ce genre de bête.
Ceci dit, certains pourraient se hérisser à l’idée que le comité d’Audi Heritage s’intéresse à une certaine forme de tuning mais Etienne a tellement fait les choses avec respect de la marque, tout en puisant en son essence, qu’il est difficile de ne pas s’en émouvoir, ni apprécier.


Cela fait un moment qu’Etienne rassemble les pièces de ce puzzle : un train arrière ou un étrier Porsche par ci, un phare d’autobus par là…
Ah oui, vous ne saviez pas ? Nous non plus, mais on trouve un modèle de phare qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un phare d’A2, mais avec des loupes chez un fabricant d’autobus. Il suffit d’avoir un pote aux TEC pour avoir la référence et passer commande chez n’importe quel marchand de pièces. Un splendide siège de RS4 trône déjà à la place conducteur, et Patrick cherche bien entendu le meilleur angle pour l’immortaliser. La porte ne s’ouvre pas, mais pas de problème, il suffit de l’enlever tout simplement. C’est dire s’il reste du boulot ! Ce dernier projet nous donne le coup de grâce. Comment Etienne fait-il pour mener tout cela à bien ? Sa réponse est dans une expression bien à lui : « un jour, j’ai les antennes qui se touchent, et puis je m’y mets ». Et croyez-nous, il ne faut pas trop le secouer car les antennes se touchent vite.

-« Par hasard. En 1991, je cherchais ma première voiture. J’ai vu plusieurs voitures pas chères, et j’ai trouvé une 80 1600 de 1980. Ce qui m’a aussi décidé était qu’il y avait un agent VW-Audi en bas de ma rue, et que je le connaissais depuis toujours » (note des enquêteurs : les fans auront noté en voyant la photo qu’il s’agit d’un coach, devenu bien rare aujourd’hui).

-« J’avais beaucoup de copains qui étaient plutôt Honda, et j’ai acheté une Prélude avec laquelle j’ai eu beaucoup de problèmes. Alors je suis revenu chez VW avec une Golf II GTI. Puis, pour me calmer, j’ai acheté une Golf III diesel neuve. 11 mois après, quelqu’un m’a demandé pour l’acheter, j’ai donné un prix… et il est revenu avec l’argent ! Après j’ai acheté une Corrado à la personne qui m’avait déjà vendu la Golf GTI. J’ai plié la Corrado dans un virage, après deux tours et j’ai cru que j’allais finir dans la Meuse. Finalement on m’a donné un bon prix pour l’épave et j’ai acheté le coupé KV ».
Et comme pour nous tous, une fois le pied mis dans le monde du 5 cylindres, non seulement on ne veut plus autre chose, mais c’est bien souvent l’escalade. Comme le dit Etienne, ce sont des voitures qui vivent. De nos jours, on ne sait même plus qu’il y a un moteur sous le capot, juste qu’il y a un grand plastique marqué TDi, et on imagine qu’il suffit de brancher une prise et d’injecter un programme miracle pour avoir 20 chevaux de plus. L’évolution est telle qu’auparavant il fallait des mécaniciens avec des notions d’électronique, et maintenant il faut des électroniciens avec des notions de mécanique.
Nous le savions, chaque membre est différent, chacun vit sa passion à sa façon même s’il existe plusieurs tendances, et c’est cela qui fait la richesse de notre club. Ce que nous ne savions pas en lançant cette tournée des membres d’Audi-Heritage, c’est que nous nous connaissons finalement assez peu, et que chacun recèle des qualités et des centres d’intérêt parfois insoupçonnés.
Merci à Etienne de nous avoir ouvert sa porte et nous avoir fait partager ce bel après-midi.
© AUDI-HERITAGE 2010