Une 100 type 43 chez Audi Heritage

première partie

Tout a commencé le jour où ma chère et tendre m’a dit que je pouvais acheter ce que je voulais comme voiture tant que je ne rabotais pas son budget et que je ne l’encombrais pas avec mes achats ; sans aucun doute grâce à l’influence bénéfique des fondus d’Audi-Heritage à-côté desquels je passe pour l’exemple même de la modération.

Comme il faut battre le fer tant qu’il est chaud, je ne mets pas longtemps pour repérer une Audi 100 type 43 sur eBay. Il s’agit du haut de gamme, une version CD 5E de février 1981 avec seulement 118 000 km au compteur. L’annonce mentionne « vendue pour cause de décès » et les photos ainsi que le descriptif sont prometteurs. Malgré cela, les acheteurs ne devraient pas se bousculer au portillon et après désistement du meilleur enchérisseur, me voilà propriétaire de l’engin pour la somme de 571 euro.


Prise de contact avec le vendeur, j’apprends qu’il s’agit de la voiture de son père décédé. Elle est chez lui à Toulouse, mais il peut la faire ramener à Poitiers. Cela fait un sacré bout de chemin mais maintenant je la veux cette voiture. Une compagnie aérienne low cost bien connue m’apporte la solution : même pas 30 euro pour un aller simple Charleroi-Carcassonne + un billet de train Carcassonne-Toulouse, c’est trois fois moins cher que ce que couterait le TGV jusque Poitiers. Je réserve une place sur le vol du 17 décembre 2005, rendez-vous est pris le 18 au matin face à la gare de Toulouse.

Bravant les éléments furieux, j’embarque dans l’avion qui a besoin d’un copieux dégivrage avant le décollage. A ce moment-là, il fallait une sacrée dose de confiance en les prévisions de Météo France pour se mettre en route. L’heure et demie de retard est providentiellement rattrapée par mon voisin de voyage qui se propose de me conduire à Toulouse : c’est sur sa route et il a loué une voiture. Il s’agit d’une Opel Corsa série spéciale « Colin Maillard » car on n’y voit rien ni dehors avec les phares réglés beaucoup trop bas ni dedans avec l’introuvable interrupteur du plafonnier.

http://www.audiheritage.be/images/100type43-etienne/Audi-100-fiche-tech.jpg

Après une nuit réparatrice, le soleil brille sur Toulouse. A l’heure dite l’Audi apparaît. Petit galop d’essai, on lance la séquence émotion : position de conduite très basse avec l’immense volant à jante fine implanté très haut, course interminable de la pédale d’embrayage, boîte caoutchouteuse pas trop précise même si les vitesses passent sans aucun problème, bruits typiquement seventies d’où émerge le grondement familier du 5 cylindres, la machine à remonter le temps fonctionne parfaitement et j’ai à nouveau 18 ans. N’oublions pas non plus le bel intérieur en velours marron et sa planche de bord barrée sur toute la largeur par les ouïes d’aération en attardant son regard sur les curieux interrupteurs des lève-vitres électriques au pied de la console centrale. Passé ce grand moment, nous retournons chez le vendeur pour la partie administrative. L’historique des interventions sur la voiture est déjà compilé, je récupère la pochette VAG avec la notice d’utilisation, le carnet d’entretien et la littérature classique qui l’accompagne, quelques babioles genre fusibles de rechange et ampoules, encore un tour de la voiture et il est déjà passé midi.

Elle a l’air pas mal du tout cette Audi. Si elle est plus griffée que ce à quoi je m’attendais, elle n’a par contre aucune bosse. Le pare-chocs avant est bien râpé, sans doute un excès d’optimisme lors d’une manœuvre. La caisse a l’air sain, juste un peu de rouille superficielle sur l’arête des passages de roues, toutes les optiques (bonne nouvelle, elle est en phares blancs) sont intactes, y compris les antibrouillards et enfin le pare-brise est neuf. L’intérieur est nickel sauf le soufflet du levier de vitesses, les deux petits coussins de série sur la version CD sont présents et last but not least le vendeur me cède le GPS pour le même prix : une charmante petite boussole qui trône au sommet du tableau de bord, que j’avais d’abord l’intention d’enlever mais que je laisserai vu son aspect typique d’époque et qu’elle a fonctionné parfaitement tout au long du chemin de retour.

Avant le grand départ, les dernières recommandations, mamie a parfois ses humeurs; c’est rare de trouver un vendeur aussi scrupuleux, il m’a listé les petites contrariétés qui pourraient arriver. Rien de grave, mais ça peut parfois être très embêtant comme le bouchon de réservoir qu’il est impossible d’ouvrir si on n’a pas le coup de main (ça je l’avais vu) ou les serrures qui sont parfois récalcitrantes si on n’insère pas la clé avec précaution (ça je n’ai pas encore remarqué).

Et c’est parti pour les 1000 kilomètres du chemin de retour. Mamie ronronne de plaisir, on sent qu’elle aime ça et qu’elle en veut. Malgré ses 25 ans, c’est encore une formidable machine à avaler de l’autoroute, la tenue de cap est imperturbable, le silence de marche appréciable pour l’époque et la conso très modérée : 8l/100 entre 120 et 140 compteur plus 40 minutes de traditionnels bouchons parisiens. Après plusieurs centaines de kilomètres, le volant trop haut devient un peu fatigant pour les poignets, et le siège insuffisamment dur à mon goût me fait craindre pour mes lombaires, mais ces dernières semblent finalement s’en accommoder. A 23h15, elle entre dans le box qui sera sa nouvelle demeure.

Son seul véritable défaut est sa boîte de vitesses longue comme un jour sans pain. J’ai acheté une version « économique » et même si elle n’est pas badgée « Formel E», elle en a une partie de la dotation : boîte 4+E, indicateur du moment le plus opportun de monter un rapport (complètement farfelu) et économètre à la place du thermomètre de température de liquide de refroidissement (comme beaucoup j’aurais préféré garder le thermomètre). Il ne lui manque que le système stop-start. A 130 en 5eme, on n’est qu’à environ 2800 tours et la moindre côte un peu prononcée demande de rétrograder. Cela demande tout un apprentissage quand on sort d’une boîte courte ou d’un TDI. Pourtant on sent bien que les 136 chevaux sont là, une fois qu’on passe les 3000 tours sur les intermédiaires ça pousse dans un bruit tout ce qu’il y a de sympathique.

Il reste maintenant à s’attaquer à la partie administrative, douane, contrôle technique, et immatriculation pour pouvoir profiter pleinement de mon nouveau jouet. Ce sera l’objet de la deuxième partie.

deuxième partie

Après la partie touristique, l’heure de la paperasse a sonné. Pour pouvoir immatriculer la voiture en Belgique, il faut faire la tournée de quelques bureaux. La procédure décrite est celle pour une immatriculation normale, c’est-à-dire non ancêtre. Je suis opposé à une immatriculation ancêtre si une ordinaire est possible parce que le tarif des taxes et assurances est de toute façon identique et qu’on ne fait pas l’objet de restrictions de circulation au prix bien léger d’un contrôle technique annuel. Même si les restrictions de circulation sont très théoriques pour l’instant, un tour de vis répressif ou même législatif ciblant les plaques O n’est pas à exclure. Bien sûr on pourra penser à repasser en immatriculation normale à ce moment-là… pour autant que ce soit permis. Il est par exemple impossible de repasser d’une carte grise collection à une carte grise normale en France. D’après le forum Gazoline, les seuls qui y sont parvenus ont profité de l’ignorance de la dame du guichet ou d’un quelconque stratagème illégal.

Il faut reconnaître d’emblée que le système d’immatriculation français facilite bien les choses : les plaques restent sur la voiture, seuls les puristes passeront par la case immatriculation temporaire. Il faut juste prendre contact avec son assureur pour lui demander de transférer l’assurance de sa voiture habituelle le temps du retour. Cela m’a accessoirement valu un divorce avec mon assureur qui devait être mal levé ce jour-là : il voulait la demande d’immatriculation visée par la douane, que je n’avais pas encore. Un autre, manifestement de meilleure humeur, a été ravi de me récupérer parmi ses clients vu mon bonus impressionnant… Et qui a dit mon profil avantageux ?

🙂

Le problème se pose à l’entrée en Belgique où un Belge n’a pas le droit de conduire une voiture immatriculée à l’étranger. L’assurance belge ne laissera aucun doute sur le statut de la voiture et il n’est pas impossible de se voir offrir le package « all-in » comprenant une amende pour défaut de contrôle technique et d’immatriculation en Belgique. Pour en terminer avec le chapitre assurance, la plus grosse source d’ennuis potentiels est l’état réel de la voiture. Le contrôle technique français n’est jamais qu’une indication non opposable à l’assureur belge, et en cas de crash il vaut mieux que l’expert ne tombe pas sur un état technique déficient malgré la bonne figure du contrôle français. Il faut enfin savoir que les Français ont une étiquette indiquant la validité de l’assurance sur le pare-brise. Non accompagnée de la carte verte elle est sans valeur, mais le vendeur a été sympa de la laisser pour éviter les éventuelles questions de la police française souvent postée aux péages. Idem d’ailleurs pour le contrôle technique.

Pour les formalités proprement dites, vous avez besoin des ingrédients suivants :

-Le certificat d’immatriculation, « carte grise » en France, que le précédent propriétaire aura barré en mentionnant « vendu le… ».

-Le certificat de cession : document officiel français en trois exemplaires dont un est destiné à la préfecture d’immatriculation pour qu’ils sachent que le titulaire de la carte grise n’est plus le responsable de la voiture.

-Le certificat de situation (anciennement appelé certificat de non gage). Autre document officiel français mentionnant que la voiture ne fait l’objet d’aucune opposition (crédit bancaire, amendes non payées, etc…). Attention, celui-ci n’est valable qu’un mois et il faut que la voiture soit dédouanée dans ce délai.

-La facture d’achat. Comme le vendeur est un particulier, un exemplaire « fait maison » convient.

-Votre carte d’identité.

Complication dans mon cas, la carte grise est au nom d’un défunt. J’ai donc en plus de ce qui précède l’acte notarié réglant la succession et une procuration sur papier libre de chacun des héritiers autorisant l’un d’eux à vendre la voiture, celle-ci étant restée en indivision. Le reste (contrôle technique français par exemple) est intéressant mais pas obligatoire.

Première étape, la douane où seuls les documents sont nécessaires, il ne faut pas présenter la voiture.
Celle de l’aéroport de Charleroi par exemple fait parfaitement l’affaire.

Une fonctionnaire sympa (« Aaah, une vieille Audi… C’est un coupé ? ») prend la liasse de documents + ma carte d’identité et établit une demande d’immatriculation (« papier rose ») sur laquelle elle appose une vignette 705 et un beau cachet en échange de la modique somme de 3 cents. Rien d’autre à payer puisque la voiture a plus de 6 mois et 6.000 km. N’oubliez pas de récupérer vos documents en sortant.

Deuxième étape, le contrôle technique. C’est un peu plus compliqué qu’un contrôle ordinaire, parce qu’à l’issue de la procédure on doit obtenir un certificat de conformité pour pouvoir immatriculer la voiture en Belgique. Comme elle date de bien avant la mise en place du certificat européen, c’est une étape obligée. Seules certaines stations sont habilitées à le faire et il faut prendre rendez-vous. Avant toute chose, un détour par mon marchand de pneus favori est nécessaire, ce qui me donne l’occasion d’examiner tranquillement la voiture sur le pont et de constater que les dessous ont l’air aussi bien que le dessus à part le bas de caisse gauche un peu croqué mais sans gravité. Ensuite passage chez mon concessionnaire pour une remise à niveau. Même si elle a été suivie, je préfère partir sur des bases que je connais et que des professionnels en qui j’ai confiance la voient. Comme elle a 120.000 km, que la dernière vidange a plus d’un an, on va commencer par un gros entretien. Dans la foulée, courroie de distribution et pompe à eau. La courroie a moins de 50.000 kms mais va sur ses 10 ans et je ne tiens pas à me retrouver avec une salade de soupapes. Inspection pour le contrôle technique et réparation de quelques bricoles, elle est prête pour son rendez-vous du 30 janvier à 9h00 à la station de Gosselies. Les documents nécessaires sont la demande d’immatriculation reçue à la douane et la carte grise originale si on passe avec les plaques françaises. Sinon, il faut se procurer une plaque « garage » car on ne peut pas passer avec les plaques de sa voiture habituelle.

Verdict : bonne pour le service, mais il a fallu expliquer au jeunot de service comment ça fonctionne : il ne trouvait pas les antibrouillards bien cachés derrière le volant ; c’était la première fois qu’il voyait une type 43. Après pesage, mesurage et prise de quelques infos complémentaires, la demande de certificat de conformité est envoyée. Je recevrai une réponse par la poste. Coût de cette étape : 99 euro.

Le 8 mars, inquiet d’être sans nouvelles, j’appelle le contrôle technique. Ils viennent de recevoir le dossier en retour, et on me dit qu’il faudra passer par une réception à titre isolé. Le soir même, je trouve chez moi un courrier m’invitant à aller retirer l’attestation tenant lieu de certificat de conformité et la plaque d’identification à poser sur la voiture.

Lundi 13 mars, ma journée commence au contrôle technique. En fait la personne qui m’a répondu au téléphone s’est trompée, la voiture correspond bien à un type homologué en Belgique. En clair il ne reste plus qu’à payer 9 euro, poser la plaque d’identification sur la voiture et récupérer l’attestation qui tient lieu de certificat de conformité ainsi qu’un nouveau certificat de contrôle technique valable jusqu’au 30 janvier 2007. Alors je peux aller chercher ma plaque deux étages plus haut puisque j’ai tous les cachets et visas requis ? Ben non, il faut que la douane soit présente pour traiter la demande et ils seront là l’après-midi. C’est donc à 14h30 que je sors du bureau de la DIV avec ma précieuse plaque blanche et rouge.

J’aurai échappé à la réception à titre isolé. Cela aurait pris un mois de plus et coûté quelques dizaines d’euros en supplément, mais comme me le disait Thierry à qui c’est arrivé, qu’est-ce qu’un mois dans une vie ?

© PBLCT / AUDI-HERITAGE 2006

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